Sous-traitant : invoquer la nullité du contrat après l’avoir exécuté en connaissance de cause ?

La Cour de cassation juge que le sous-traité entaché de nullité peut être confirmé si le sous-traitant exécute volontairement les travaux en connaissance du vice affectant son contrat, en l’espèce l’absence de délivrance de la caution par l’entreprise principale.

La décision de la Cour de cassation

Les faits. Un sous-traitant, se plaignant d’un non-paiement du surcoût et de travaux supplémentaires, invoque la nullité du contrat signé avec le sous-traité pour non-fourniture par l’entreprise principale des garanties légales. La cour d’appel déboute le sous-traitant en retenant qu’il a volontairement exécuté le contrat en connaissance de la nullité du contrat tenant à l’absence de délivrance de la caution, de sorte qu’il a confirmé le contrat et ne peut plus se prévaloir de sa nullité. Le sous-traitant se pourvoit en cassation.

La décision. Le juge rappelle que le sous-traité est nul dès l’origine du fait de l’absence de fourniture d’une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur auprès d’un établissement agréé, sauf délégation du maître de l’ouvrage, lors de sa conclusion, sans qu’il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission avant de contester la validité du sous-traité. La violation de ces formalités, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, est sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité étant susceptible de confirmation. Il ajoute que la confirmation de l’acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d’une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l’affectant. Il décide donc que le sous-traitant ayant exécuté volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de la cause de sa nullité tenant à l’absence de délivrance de la caution, il avait effectivement confirmé le contrat et ne pouvait dès lors plus se prévaloir de sa nullité (Cass. 3e civ. 23-11-2023 n° 22-21.463).

La nullité du contrat de sous-traitance

L‘obligation de fournir une caution dès la conclusion du contrat. L’article 14 de la loi n° 75-1334 du 31-12-1975 oblige l’entrepreneur qui sous-traite à constituer des garanties principales, dont la fourniture d’une caution, sous peine de nullité du sous-traité. La garantie doit être fournie dès la conclusion du contrat, la nullité est encourue même si elle est fournie par la suite (Cass. 3e civ. 7-2-2001 n° 98-19.937).

Une nullité relative. Il s’agit d’une nullité relative que seul le sous-traitant peut invoquer. Cette nullité peut être couverte par la confirmation du contrat par le sous-traitant expressément (C. civ. art. 1181), ou tacitement par l’exécution volontaire du contrat en connaissance de cause (C. civ. art. 1182). Le sous-traitant ne disposera d’aucune sûreté si l’entrepreneur est insolvable, mais il pourra exercer une action en responsabilité contre le maître de l’ouvrage qui n’a pas veillé à la constitution des garanties principales.

En cas d’exécution des travaux. La nullité est toutefois d’un intérêt limité lorsque les travaux sont exécutés car l’entrepreneur principal reste tenu du coût réel de la valeur des travaux réalisés, peu importe que le contrat de sous-traitance soit annulé (Cass. 3e civ. 5-3-2020 n° 19-16.407). Il a également été jugé que la nullité peut être prononcée même lorsque le sous-traité a été exécuté (Cass. 3e civ. 18-7-2001 n° 00-16.380) et que le sous-traitant a été payé (Cass. com. 12-7-2005 n° 02-16.048). Cette jurisprudence peut être remise en question, sauf si, dans les précédentes affaires, le sous-traitant n’avait pas connaissance de la cause de nullité affectant son contrat.

Cass. 3e civ. 23-11-2023 n° 22-21.463

© Lefebvre Dalloz

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